Intervention de M. Shen Guofang, Ministre assistant des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, au Dialogue international sur la migration
2005-11-30 00:00

Monsieur le Président,

Je suis très heureux de participer à ce dialogue pour échanger des vues sur la migration avec les collègues des différents pays.

Le fait que cette réunion se déroulera autour du thème « En quête d'une cohérence politique sur la migration » revêt une grande signification. Dans la situation actuelle, la migration est devenue un phénomène propre à la société moderne auquel aucun pays ne peut compter uniquement sur ses propres efforts pour trouver une solution appropriée. Les pays d'origine, de transit et de destination des migrants se doivent de renforcer la concertation et la coopération afin d'assurer une gestion efficace des flux migratoires. Il est donc très important d'engager activement un dialogue et une coopération sur la migration et d'aller vers une cohérence politique de la communauté internationale à ce sujet.

Monsieur le Président,

L'apparition de la migration est étroitement liée au développement de la société humaine. S'il y a plus de deux mille ans, des caravanes commerciales et des bandes de commerçants à chevaux qui peinaient sur la Route de la Soie étaient peu nombreux et sporadiques, avec l'avènement de la grande époque de la navigation, de plus en plus de gens ont commencé à se déplacer vers le Nouveau Continent suivant les nouvelles lignes maritimes, la migration est devenue progressivement un phénomène généralisé. Aujourd'hui, avec un développement fulgurant de la mondialisation, des sciences et des technologies, le déplacement de populations ne cesse de s'accélérer. Une migration normale a permis d'élargir les horizons étroits des hommes d'autrefois, de favoriser l'entrée de la société humaine dans l'âge de la mondialisation et d'affecter sur une échelle plus large et d'une manière plus libre les ressources humaines, technologiques et financières, et de promouvoir énormément le développement économique, le progrès social et les échanges culturels des divers pays. On peut ainsi dire que la migration est une conséquence inévitable du progrès de la société humaine à un certain stade, et constitue un des moteurs importants de son développement.

Mais dans le même temps, de nouvelles circonstances et questions sont apparues dans la migration. Avec la lutte contre le terrorisme, les canaux de la migration normale s'en trouvent compromis tandis que des migrants font face à toutes sortes de difficultés au cours de leur intégration dans la société locale. Le redéplacement des migrants, les filières clandestines, la traite des êtres humains et d'autres activités d'immigration illégale de même que l'abus du dispositif d'asile se sont succédés sans cesse. Ces nouvelles questions de la migration affectent non seulement le déplacement normal de populations, mais aussi handicapent le développement économique et le progrès social, voire menacent la souveraineté nationale et la sécurité d'Etat. S'agissant des solutions appropriées à apporter aux questions relatives à la migration, je voudrais vous livrer mes réflexions et mes propositions suivantes :

1. Une gestion appropriée des migrations internationales exige d'identifier les sources des problèmes, de s'attaquer tant à ses racines qu'à ses manifestations. Si les migrants se donnent toute la peine pour se rendre dans un pays étranger mal connu, c'est justement pour y trouver une vie meilleure. Donc, les causes de la migration résident au fond dans le déséquilibre du niveau de développement entre les divers pays en terme d'économie, de société et de structure démographique. Dans le monde d'aujourd'hui, les profits rapportés par la mondialisation sont répartis d'une manière déséquilibrée, l'écart entre le Nord et le Sud continue de se creuser, les Objectifs du Millénaire pour le développement sont loin d'être réalisés, et un grand nombre de pays en développement se sont marginalisés encore davantage. A présent, la richesse par tête d'habitant dans le pays le plus fortuné du monde représente 330 fois plus que celle dans le pays le moins avancé. Réduire progressivement l'écart entre les pays riches et les pays pauvres dans le monde, réaliser un développement économique partagé et une justice sociale sur tous les plans, ce sont donc des moyens essentiels pour résoudre radicalement les problèmes de migration.

2. Une gestion appropriée de la migration internationale nécessite des efforts conjugués, de la concertation et de la coopération de la communauté internationale. Gérer la migration bien efficacement et combattre l'immigration clandestine, voilà une responsabilité commune des pays d'origine, de transit et de destination des migrants. La communauté internationale doit intensifier la coopération à l'échelle planétaire sur la base dite « solidarité internationale, partage de responsabilité, respect mutuel, égalité et avantages réciproques ». Les pays en développement doivent s'unir pour accroître leur puissance, renforcer la coopération Sud-Sud, s'inspirer des expériences utiles d'autres pays et s'engager dans une voie de développement adaptée à leurs propres conditions nationales. Il convient aux pays développés d'honorer leurs engagements à l'égard des pays en développement tout en leur fournissant des assistances en matière financière, commerciale, technologique et de ressources humaines afin de les aider à réaliser un développement durable et à augmenter leurs capacités à prévenir et à combattre les activités d'immigration illégale. L'Organisation internationale pour les Migrations et d'autres organisations internationales et régionales doivent promouvoir activement la coopération internationale pour aider les pays en développement à renforcer la construction de leurs capacités.

3. Une gestion appropriée des migrations internationales passe par une protection effective des droits et intérêts des migrants. Depuis longtemps, les migrants, loin de leurs pays natals, ont apporté, grâce à leur labeur et à leur sagesse, une contribution de poids au développement économique, au progrès social des pays d'accueil et à la promotion des échanges culturels dans le monde. Les divers pays doivent prendre des mesures pour garantir leurs droits et intérêts légitimes contre toute atteinte, leur accorder, en partant d'un principe de non-discrimination, d'égalité de places et d'occasions dans les différents domaines de la vie sociale et les aider à s'intégrer dans la société locale.

4. Une gestion appropriée des migrations internationales doit éviter la politisation. La coopération internationale sur les migrations doit encourager, conformément au principe dit « ouvrir des canaux légaux et bloquer des canaux clandestins », un déplacement légal et ordonné de populations dans le but d'intégrer les migrants légaux dans l'économie et la société locales et de juguler autant que possible les activités d'immigration illégale. Il est à noter que certains pays, dans un souci de lutter contre le terrorisme, appliquent des politiques restrictives irrationnelles sur l'immigration de sorte à gêner le déplacement ordonné des migrants légaux, voire à en conduire une partie dans des filières clandestines, tandis que certains autres pays ont confondu l'asile et l'immigration illégale, voire y ont mêlé des facteurs politiques. La politisation de la migration, très pernicieuse, doit être évitée.

5. Une gestion appropriée des migrations internationales nécessite un renforcement d'études sur les migrations. Nous sommes heureux de constater qu'après deux ans de travail, la Commission globale sur les migrations internationales a soumis le mois dernier au Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan un rapport intitulé Migration in an Interconnected World : New Directions for Action. Le rapport a analysé l'état des migrations internationales, les avantages et les inconvénients de la politique de la communauté internationale mise en place pour faire face aux flux migratoires à l'échelle planétaire, et avancé un cadre d'action globale à cet égard. La communauté internationale doit renforcer, en fonction de l'actuelle conjoncture internationale et des particularités de chaque pays, des études sur le phénomène de migration et prendre des mesures efficaces pour que les populations se déplacent d'une manière ordonnée dans un contexte de la globalisation.

Monsieur le Président,

Le gouvernement chinois accorde une grande importance à la question de migration, et encourage activement un déplacement normal de populations à l'échelle internationale. De son côté, le gouvernement chinois s'oppose fermement à l'immigration illégale, combat sévèrement les criminalités organisées transnationales telles que les filières clandestines et le trafic des êtres humains. La Chine prête une grande attention et prend une part active à la coopération internationale dans le domaine de la migration. Elle a mené des coopérations avec plus de 40 pays dans la lutte contre les entrées et sorties illégales du territoire. La Chine a participé d'ailleurs activement aux activités des mécanismes de coopération régionale comme Regional Ministerial Conference on People Smuggling, Trafficking in Persons and Related International Crimes (Bali Process) et Asia-Pacific International Consultations on Refugees, Displaced Persons and Migrants (APC). En tant que coordonnateur de l'APC pour cette année, le gouvernement chinois a organisé avec succès la Conférence annuelle de l'APC à Shanghai en octobre dernier, et a obtenu des résultats positifs.

Du 14 au 16 mars dernier, le gouvernement chinois a organisé, conjointement avec l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et le Département pour le développement international du Royaume-Uni, une conférence régionale sur les migrations et le développement en Asie à Lanzhou dans la province du Gansu. La conférence s'est penchée prioritairement sur les relations entre les migrations et les Objectifs du Millénaire pour le développement, l'éradication de la pauvreté, la santé et la protection sociale, le sexe, et sur les rapports entre les migrations domestiques et internationales. Une centaine de personnes venues de sept pays de l'Asie-Pacifique, des organisations internationales et des institutions académiques ont participé à cette conférence à laquelle ont été présents des représentants de divers ministères compétents du gouvernement chinois et de certaines provinces chinoises. Voici les principaux thèmes abordés au cours de la conférence :

1. Avoir une vision correcte de la migration et renforcer les études en la matière. Selon la conférence, la migration est à la fois un résultat inévitable et un symbole du progrès social. Avec le développement de la globalisation économique et le progrès technologique de l'informatique et des télécommunications, le nombre des migrants monte en flèche à l'échelle internationale. Les divers pays doivent renforcer les études sur les nouvelles questions apparues dans le domaine de la migration et partager des données et documents concernés afin de fournir des garanties à l'élaboration de politiques. Jusqu'aujourd'hui, la communauté internationale n'a pas encore pris suffisamment conscience de l'importance de la migration domestique et manque d'études et de politiques dans ce domaine. Les gouvernements des divers pays doivent adopter une vision correcte de la migration domestique et en tirer les avantages tout en évitant les inconvénients afin de permettre aux migrants de contribuer au développement économique et au progrès social du pays.

2. Concernant les migrations et le développement économique, les participants de la conférence sont généralement d'avis que la pauvreté est une des principales raisons de la migration. La migration aide à la lutte contre la pauvreté, et doit être considérée comme un des moyens efficaces pour éradiquer la pauvreté. Les divers pays doivent encourager le déplacement de populations pauvres, et leur fournir des formations appropriées et des assistances financières.

3. Concernant la protection des droits et intérêts des migrants, la conférence estime qu'il ne faut pas tenir la migration pour une simple question de développement économique. Les divers pays doivent prendre des mesures globales, tenir pleinement compte du progrès social, et inclure la protection des droits et intérêts des migrants dans leur stratégie de progrès social et dans leur système de sécurité sociale. Les gouvernements doivent garantir aux travailleurs migrants un cadre de travail et de vie en toute sécurité, une rémunération payée ponctuellement et des prestations de soins médicaux de base.

4. Concernant le renforcement de la coopération, la conférence indique que le manque de communication et de coopération efficaces entre les collectivités locales de pays d'origine et d'accueil des migrants a donné lieu à un certain nombre de lacunes dans les politiques, et qu'il faut donc renforcer une coopération effective. De nombreux experts et représentants des organisations internationales ont souligné d'ailleurs que les gouvernements doivent encourager les ONG, la société civile et les organisation de syndicats à jouer un rôle actif dans ce domaine, que les décideurs doivent aussi prêter une oreille plus attentive aux voix des migrants.

La Chine trouve que cette conférence, dans un esprit pragmatique, a engagé de vives discussions utiles sur les relations d'interaction entre la migration et le développement. Les documents, discours et résultats d'études de la conférence ont été compilés en recueils en version chinoise et en version anglaise par le gouvernement chinois et l'OIM. Je suis persuadé que les divers pays en bénéficieront dans leurs pratiques pour trouver une solution appropriée à la question de la migration.

Monsieur le Président,

La Chine accorde une grande importance au rôle actif que joue l'OIM en matière d'assistance aux divers pays sur la question de la migration. En juin 2001, la Chine est devenue pays observateur de l'OIM, ouvrant par là une page nouvelle dans sa coopération avec l'OIM. Depuis, la Chine a mené avec l'OIM une série de coopérations multiformes et fort fructueuses. La Chine va continuer de renforcer, dans le domaine de la migration, sa coopération avec les autres pays du monde, l'OIM et d'autres organisations internationales afin de promouvoir le déplacement normal de populations et d'œuvrer ensemble à une paix et à un développement durables dans le monde.

Je vous remercie, Monsieur le Président.

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