LE SYSTEME CHINOIS DE SOINS MEDICAUX EST EN COURS DE REVISION
2007-09-20 00:00

Par Li Huizi (China Features)

       A l'approche de la soixantaine, Zhang Lan éprouve souvent des vertiges en montant ou en descendant les escaliers.

      Agée de 58 ans, elle a pris sa retraite il y a quelques années après avoir travaillé dans une usine d'Etat fabriquant des machines à laver. Son fils lui a demandé d'aller voir le docteur, mais elle a refusé. "C'est normal d'avoir des problèmes quand on devient vieux", a-t-elle répondu.

      En Chine, la réticence de Zhang est un phénomène général chez les personnes Ägées, qui évitent d'aller à l'hôpital en raison des prix élevés. Pourtant, les petites maladies non soignées peuvent dégénérer en maladies plus graves et co?ter aux malades l'ensemble de leurs économies.

    Au-delà des prix, il y a l'inconvénient du déplacement et du temps d'attente.

    Le fils de Zhang, Wang Qi, 27 ans, allait souvent au petit matin à l'h?pital, faisait longtemps la queue devant le guichet d'inscription pour prendre rendez-vous pour sa mère avec le médecin. Une autre excuse trouvée par Zhang pour ne pas aller consulter le docteur pour ses vertiges.

    Son manque d'enthousiasme a continué jusqu'au jour où elle est tombée dans l'escalier de son appartement.

     Le docteur a déclaré qu'elle avait une tumeur cérébrale, qui pouvait être guérie, mais devait être opérée immédiatement.

    Pour cette opération, Wang Qi, employé de banque, qui ne gagne que 2 000 yuans par mois (263 dollars), s'est serré la ceinture et a cherché tous les moyens possibles pour payer la somme demandée à sa mère, soit 100 000 yuans (13 150 dollars).

    Il espère encore que le système de soins médicaux du pays pourra l'aider.

    En 2000, quand Zhang Lan travaillait encore, elle a adhéré au "système d'assurance médicale pour les salariés des villes" par le biais de son usine. Avec ce système, chaque mois, 2% de son salaire, a été versé en prime d'assurance automatiquement sur son compte, au centre local du service de sécurité sociale.

     En 1998, le Conseil des Affaires d'Etat a pris la décision de lancer une réforme des soins médicaux pour permettre aux salariés des villes et aux salariés retraités, de participer à un système de soins médicaux, géré par les gouvernements locaux, et qui combine assurance personnelle et sécurité sociale.

     Les frais des services de consultation externe sont payés pour une large part par le compte personnel, tandis que les dépenses d'hospitalisation, plus élevées que les premiers, sont payées par le fonds de sécurité sociale. 

    Les retraités sont exemptés de verser cette prime. Zhang, qui touche une pension mensuelle de 1 000 yuans (131,6 dollars), reçoit 1 200 yuans (158 dollars) par an de son compte personnel pour le service de consultation externe.

     "Actuellement, le gouvernement envisage de fournir des services graduits de consultation externe pour les retraités. S'ils vont à l'hôpital, ils seront remboursés de la plupart des frais engagés", a dit un employé du centre du service de la sécurité sociale du district de Chaoyang, à Beijing.

     Cependant, les lourdes dépenses de chirurgie et d'hospitalisation restent la principale charge financière pour un malade. Le gouvernement incite les entreprises à offrir une assurance médicale supplémentaire à leur personnel, surtout pour les dépenses non couvertes par le système de soins médicaux. 

     Mais pas de chance pour Zhang: son usine était en effet au bord de la faillite.

"Près de la moitié des frais de santé de ma mère a été remboursée par l'assurance médicale qui ne couvre qu'une partie du prix de l'opération chirurgicale pour les soins complexes, comme l'opération cérébrale, par exemple. Il nous reste encore beaucoup à payer de notre poche", a expliqué Wang Qi.

ECHEC DU SERVICE MEDICAL GRATUIT

    Pendant les années 1970 et 1980, Zhang Lan a bénéficié des soins médicaux graduits sous la période d'économie planifiée. L'unité de travail, appelée "danwei" en chinois, fournissait tout.

    La danwei répondait à tous les besoins, notamment aux besoins quotidiens d'éducation, de transport et de logement. Certains Chinois sont aujourd'hui nostalgiques de cette époque, notamment des tickets de rationnement pour acheter des oeufs et de la viande.

    "La danwei était toute puissante", rappelle Tian Ying, 51 ans, ancienne comptable d'une usine d'Etat de textile.

     Les gens avaient alors peu de besoins, car tout le monde partageait des conditions de vie similaires, et l'on s'en sortait avec des bas salaires, a-t-elle dit.

     "Si tu avais besoin de te faire opérer, tu n'avais qu'à demander à la danwei de payer, même pour tes enfants, tout était gratuit".

     Mais beaucoup de danwei n'étaient pas capables de préserver la culture du "bol de riz assuré". "Petit à petit, les factures médicales sont devenues trop importantes. Si ta danwei était riche, tu avais vraiment de la chance", a-t-elle relevé.

     Les départements financiers des danwei étaient les plus occupés. Les travailleurs se levaient tôt pour venir se faire rembourser les factures de soins médicaux à un petit guichet. Il arrivait souvent qu'après une matinée d'attente, les gens qui faisaient la queue soient informés qu'il n'y avait plus d'argent dans la caisse.

     Le problème est que les employés manquaient de motivation, parce que leur salaire était au même niveau, quel que soit le travail fourni. Les soins médicaux graduits ont abouti à un gaspillage impressionnant d'argent, a révélé Tan Shen, chercheur à l'Académie des Sciences sociales, organe de conseil du gouvernement.

                          

UN SYSTEME DE SOINS MEDICAUX POUR CHACUN

     Le gouvernement central a lancé une réforme dans les années 1990 après s'être rendu compte de l'inefficacité du système public de soins médicaux qui était au bord de l'effondrement.

     En 1998, les salariés des villes ont commencé à verser 2% de leur salaire sur un compte personnel d'assurance médicale, et étaient obligés de contribuer à hauteur de 4% de leur salaire au fonds de sécurité sociale géré par les gouvernements locaux.

     "Cet acte a séparé les soins médicaux personnels du système de l'unité de travail, et réduit d'une manière considérable la charge financière qui pesait sur les entreprises. Il a favorisé aussi le rajeunissement des entreprises publiques", a indiqué Tan.

     Cependant, le secteur a connu des critiques comme la flambée des frais médicaux, le manque d'accessibilité du système, les mauvaises relations médecin-malade et la couverture insuffisante du système des soins médicaux.

     Selon les statistiques du ministère de la Santé, l'augmentation des dépenses médicales pèse sur le budget de nombreux Chinois, ruraux et urbains, qui sont dans un état de pauvreté. Un tiers des malades ruraux choisissent de ne pas aller à l'h?pital, et 45% sortent de l'h?pital avant d'être rétablis.

     Un sondage rendu public en décembre dernier par l'Académie des Sciences sociales de Chine a révélé que les frais des soins médicaux avaient progressé, atteignant 11,8% du budget moyen d'un foyer et dépassant les frais d'éducation et de transport. C'est un pourcentage assez élevé par rapport aux pays développés.

     Un rapport publié en 2005 par le Centre de recherche du développement au Conseil des Affaires d'Etat a critiqué la réforme du secteur de santé mise en place depuis dix ans, la disant "inefficace en général". Le rapport a suscité un débat public sur les réformes de santé.

     Le gouvernement n'a pas encore mis en place de politique de long terme. Des experts comparent des méthodes de réforme en étudiant différents systèmes et propositions de soins médicaux. Les questions les plus épineuses sont le financement et les structures de gestion.

     Pourtant, un grand pas a été franchi par le gouvernment cette année -- accès étendu aux soins médicaux et à l'assurance avec un prix raisonnable-- qui couvre 80% des habitants ruraux et plus d'habitants urbains, y compris les gens sans danwei.

     Selon les chiffres officiels, 157 millions des 1,3 milliard de Chinois étaient couverts par l'assurance médicale fin 2006, dont la majorité sont des travailleurs et retraités urbains qui avaient une danwei.

     Cette année, les citadins, dont les enfants et travailleurs indépendants qui n'ont pas été couverts par "l'assurance médicale pour les habitants urbains", peuvent désormais bénéficier de ce système. Les gouvernements locaux envisagent d'allouer les fonds destinés en particulier aux traitements majeurs.

     "Les citadins sans danwei, dont les travailleurs indépendants et les propriétaires individuels, bénéficient aujourd'hui du système", a dit le chercheur Tan Shen.

     Un plan de réformes, qui pourrait être adopté, entend faire d'un nombre d'hÖpitaux publics les fournisseurs des services médicaux communautaires. Ces derniers offriront un service de consultations externes aux travailleurs urbains et migrants, a fait savoir Liu Xinming, un officiel chargé des politiques et des réglementations au ministère de la santé publique.

     Par ailleurs, le système coopératif des soins médicaux ruraux, créé en 2003, couvrira 80% des districts chinois à la fin de cette année et toutes les régions rurales l'année prochaine, afin d'aider 900 millions de ruraux chinois.

    Environ 50,7% des régions rurales du pays, soit 1 451 districts, étaient déjà couverts par le système fin 2006. 410 millions de paysans, 47, 2% de la population rurale, y ont adhéré. En 2006, le système a collecté 21,36 milliards de yuans (2,81 milliards de dollars) et dépensé 15,58 milliards de yuans (2,05 milliards de dollars).

     Chaque participant paie dix yuans (1,3 dollars) par an, alors que les gouvernements de divers niveaux fournissent les 40 yuans restants (5,2 dollars) au fonds coopératif. Les paysans qui y contribuent peuvent donc être remboursés partiellement en fonction du traitement re?u.

    Le Conseil des Affaires d'Etat a adopté cette année un plan quinquenal de développement du système de santé publique, dans lequel il s'engage à élaborer un réseau de soins médicaux de base couvrant toute la population d'ici fin 2010.

    Ce réseau comprendra les services de santé publique, le service coopératif de soins médicaux ruraux, le service médical communautaire urbain, ainsi que le système de gestion des h?pitaux publics.

     Mais pour arriver à un système unifié de soins médicaux, il y a encore un long chemin à parcourir, en raison de faible niveau d'urbanisation, de l'écart croissant entre les riches et les pauvres, et des différences de développement régional, a souligné l'ancien ministre de la Santé publique Gao Qiang.

      Une version finale des politiques de réforme médicale sera dévoilée après que les autorités auront comparé les différents schémas de réforme et sollicité l'opinion publique, a dit le ministère de la Santé publique. Fin

  

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