LES EXPORTATEURS CHINOIS S'ADAPTENT A LA TENSION IMPOSEE PAR LA REEVALUATION DU YUAN
2007-09-20 00:00

Par Cheng Yunjie  (China Features)

    Depuis la réforme sur le taux de change en juillet 2005, la Chine a vu son excédent commercial s'accroître comme une boule de neige, témoignant de la revalorisation continuelle du yuan (monnaie chinoise). Selon des doctrines économiques, la revalorisation de la monnaie intérieure entrave les exportations du pays, mais il semble que ces doctrines ne s'appliquent pas à la Chine.

    Yin Mingshan, PDG de ChongQing Lifan Group, géant de fabrication de motocyclettes en Chine, a indiqué que la tension imposée aux exportateurs chinois par la réévaluation du yuan ne s'était jamais atténuée. "L'impact est tangible et coûteux", a-t-il affirmé.

    Yin a crée son entreprise en 1992. Les exportations ont permis à son entreprise d'engranger des profits de 318 millions de dollars en 2006, mais à cause de la réévaluation de 4 % du yuan face au dollar, ses profits ont diminué de 78 millions de yuans après la conversion.

    En août 2007 où la valeur de RMB (yuan, monnaie chinoise) a grimpé au total de 9 % pour atteindre la parité de 7,57 yuans contre un dollar, cinq constructeurs de motocyclettes ont fait faillite en Chine. La croissance des exportations du Lifan Group devrait se ralentir à 25,5 % cette année, contre 30 % l'année dernière, a prévu Yin.

    Au lieu de se plaindre de la réappréciation du yuan, de nombreuses entreprises chinoises, dont le groupe Lifan, se sont efforcées de s'adapter à ce défi par des moyens disponibles, dont la réduction des coûts et les innovations techniques.

    Les exportations chinoises se sont établies à 546,7 milliards de dollars au premier semestre de l'année, en croissance de 27,6 % par rapport à la même période de l'année dernière, faisant progresser l'excédent commercial chinois de 83 % à 112,5 milliards de dollars.

    "La réforme sur le taux de change a coûté cher aux entreprises exportatrices du pays, qui ont vu leurs profits diminuer et leur compétitivité s'affaiblir à cause de la réévaluation du yuan", a conclu Tan Yaling, analyste de la Banque de Chine.

    En juillet 2005, la Chine a décidé que sa monnaie ne serait plus arrimée au seul billet vert mais à un panier de devises, cette mesure permettant au yuan (RMB, monnaie chinoise) de fluctuer en fonction de la demande du marché, mais avec une fluctuation journalière limitée pour assurer une réappréciation graduelle.

    Cela a poussé les exportateurs chinois à augmenter leur compétitivité par l'amélioration de la qualité, la création de marques internationalement renommées et l'innovation technique.

    "A supposer que la parité du yuan face au dollar augmente de 20 % brutalement en un jour, nombre d'entreprises chinoises feront faillite. A présent, nous avons encore du temps pour réajuster et restructurer notre production", a déclaré Yin.

    L'entreprise de Yin reste en tête en terme de nombre de brevets dans son secteur, disposant de 3 807 brevets en Chine et à l'étranger. Son produit phare, un moteur monocylindre 50-200 ml, a été vendu dans une centaine de pays en Asie du Sud-Est, Europe, Afrique et Amérique Latine.

    La tension s'impose surtout dans les secteurs traditionnels d'exportation, dont le secteur textile. Yu Yimin, PDG de Soho International Group, entreprise de fabrication de soie naturelle, a indiqué que son entreprise s'était engagée activement dans l'innovation technique, qui était, selon lui, le seul moyen de subsister.

    "Si nous suggérons une hausse des prix, les importateurs nous diront simplement qu'il en est hors de question et nous abandonneront, car la concurrence est très rude en Chine. Mais, si nous avons des produits spéciaux et uniques, cela renforcera notre position", a fait savoir Yu.

    Basée dans la province du Jiangsu (est), la firme de Yu a commencé à produire de la soie précieuse de ver mêle et à développer de la peau artificielle à base de protéine de soie, ce qui devrait rendre son entreprise plus compétitive. La peau artificielle, déjà entrée en phase clinique, ne coûte qu'un dixième du prix des même produits à l'étranger.

    La Chine est la troisième puissance commerciale du monde, derrière les Etats-Unis et l'Allemagne. Le gouvernement chinois souhaite améliorer la réputation des produits "Made in China" et faire de ce label un label de qualité plutôt qu'un label bon marché.

    Le commerce de transformation, consistant en l'assemblage simple de matières premières importées, a stimulé le commerce extérieur du pays pendant les années 1980, mais n'est plus largement encouragé aujourd'hui.

    Au cours du premier semestre de l'année, le commerce de transformation a atteint 440,9 milliards de dollars américains, en croissance de 17,6 % par rapport à la même période l'année dernière, alors que le commerce ordinaire a bondi de 28,7 % à 440,8 milliards de dollars.

    Zhao Yumin, expert de l'Institut de Coopération économique et commerciale du ministère du Commerce, a estimé que seules les entreprises rentables qui réussissent à améliorer constamment leur productivité parviennent à survivre à la concurrence internationale féroce et au protectionnisme grandissant.

    Le nombre exact des exportateurs chinois reste inconnu, mais nombre d'entre eux dépendent encore du coût avantageux de la main d'oeuvre et des matières premières, car ils ne disposent pas d'assez de capacités financières et techniques pour innover.

    Lorsque les chaussures, vêtements, jouets et meubles "Made in China" pénètrent abondamment sur les marchés à l'étranger, certains consommateurs étrangers sont satisfaits d'avoir ces produits bon marché tandis que d'autres se plaignent des conséquences de pertes d'emplois.

    En août 2006, la Turquie a décidé d'imposer un dépôt douanier de 200 à 300 dollars américains sur toutes les motocyclettes importées, tout en lançant une enquête sur les préjudices causés par les importations sur l'industrie locale. La Chine, premier exportateur de motocyclettes au monde, était le seul pays en voie de développement visé par cette enquête.

    Les motocyclettes fabriquées en Chine ne coûtant en moyenne que 400 dollars américains, cette mesure de la Turquie a fait chuter immédiatement les exportations chinoises de motocyclettes. Ainsi, la ville de Taizhou (est de la Chine) n'a exporté que 78 motocyclettes vers la Turquie pour une valeur de 32 000 dollars au premier semestre de l'année, tandis que le chiffre était de 166 000 motocyclettes pour une valeur de 75,71 millions de dollars pendant la même période de l'année dernière.

    Le groupe Lifan a trouvé la solution d'implanter une usine en Turquie. "Y aura-t-il encore des frictions commerciales? Non, nous faisons actuellement partie de la famille économique de la Turquie et sommes très bien traités", a déclaré Yin Mingshan.

    D'une perspertive future, des experts ont averti que la plus grande menace pour les exportateurs chinois était l'anticipation d'une appréciation continuelle du yuan, qui pourrait entraîner l'afflux de fonds spéculatifs et menacer la stabilité financière de la Chine ainsi que faire disparaître les marges de profits des exportateurs chinois.

    Un sondage récent indique que les trois quarts des 103 compagnies exportatrices interrogées par le journal China Business News ignorent l'existence ou n'ont pas utilisé d'instruments financiers de couverture pour réduire les risques de change. De nombreuses petites et moyennes entreprises exportatrices ne savaient qu'ajouter des clauses dans les contrats ou écourter les délais de paiement pour réduire les risques engendrés par l'évolution des taux de change.

    "Il est irréaliste de laisser les entreprises exportatrices lutter seules contre la monnaie s'appréciant en Chine, où le système financier reste fragile et immature", a affirmé Tan Yaling.

    Elle a indiqué que le gouvernement devait accroître la flexibilité du taux de change du RMB et laisser le marché jouer un plus grand rôle dans la formation du taux de change.

    "Le plus important est que les banques et institutions financières apprennent à participer de manière professionnelle au fonctionnement du marché, plutôt que de s'appuyer seulement sur les anticipations des mesures macro-économiques du gouvernement", a analysé Yan, ajoutant que "le gouvernement devait mener davantage d'études pour identifier la valeur réelle du yuan ainsi que son prix d'équilibre".

    Ha Jiming, économiste en chef de la Société internationale de Capitaux de Chine (China International Capital Corporation), a prévu que la parité pourrait atteindre 7,3 yuans contre un dollar à la fin de l'année. "Cela devrait prendre trois à cinq ans pour atténuer la pression en matière d'appréciation du RMB", a-t-il conclu.

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